Briouze


En 1073 Guillaume de Braose participa aux côtés du Conquérant à une campagne pour soumettre le Maine, qui s'était rebellé contre ses maîtres normands. La principale cité du Maine, Le Mans, avait eu l'audace de se déclarer elle-même "commune" (ville affranchie). Le Duc d'Anjou revendiquait la suzeraineté du Maine, fait connu du Roi Guillaume qui, néanmoins, voulait  imposer son fils Robert comme son représentant.

Le Château de Briouze occupait une position stratégique aux confins du Maine, de la Bretagne et des terres d'Anjou. C'était la seconde ligne de défense après le château puissamment fortifié de Domfront. Le statut de la famille de Braose à cette époque peut être évalué d'après l'importance de Domfront que Guillaume le Conquérant avait conquis sur Geoffrey Martel, Duc d'Anjou, en1055 et dont les fortifications avaient été renforcées par les ducs et rois successifs. Ce château avait été défendu et attaqué par les hommes les plus puissants du onze et douzième siècles. Ceci avait donné en retour à Briouze un rôle majeur dans les défenses de Normandie.

La richesse anglaise refluait vers la Normandie et Guillaume de Braose fut prompt à enrichir son église de Briouze. Il offrit tout d'abord l'église et ses dotations à l'Abbaye proche de Lonlay, qui, à son vif déplaisir, abandonna Briouze peu après, l'Abbé refusant d'accepter les conditions du don, ce qui fit perdre à Lonlay un bienfaiteur précieux.

Guillaume offrit alors l'église à sa mère, Gunnor, qui probablement s'en dessaisit lorsqu'elle devint nonne à l'Abbaye aux Dames de Caen. Les chanoines séculiers furent invités à former un collège, comme à l'église de Saint Nicholas de Bramber, mais en 1080 un scandale fut mis à jour. Il apparut que les chanoines menaient une vie dissolue et Guillaume les chassa.


Peu après, le moine Goscelm de l'Abbaye Bénédictine de Saint Florent de Saumur, en Anjou, commença à construire une nouvelle église de pierre à Briouze. Son dur labeur lui valut l'appréciation de Guillaume de Braose qui avait été désappointé par les échecs précédents. Il avait vraisemblablement visité et admiré l'Abbaye de Saint Florent au cours de la campagne du Maine avec le Conquérant.

Le Vendredi 31 Janvier 1080 , le Roi confirma le don de l'église de Briouze par  Guillaume de Braose à Saint Florent. C'était devenu un prieuré financé par les dons des terres des de Braose en Normandie et le rape de Bramber. (3-1) Contrairement à l'Abbé de Lonlay, l'Abbé de Saint Florent accepta la condition de Guillaume de Braose: si le nouveau prieuré prospérait, il deviendrait un jour Abbaye. (Malheureusement, cela ne se réalisa pas).

En 1080 l'Abbaye de Lonlay réalisa qu'elle avait rejeté les dons dun homme très fortuné. L'Abbé Hugues de Lonlay porta l'affaire devant la Cour de Guillaume le Conquérant à Caen, arguant que Guillaume de Braose avait rompu sa promesse solennelle de faire don de ses terres à Lonlay. L'abbé ne réussit pas à convaincre le Roi et fut débouté de sa demande, mais le grief n'en fut pas pour autant oublié. (3-2)

En 1093 l'Abbé Ranulf de Lonlay ranima la querelle et porta le cas devant Robert Duc de Normandie, le fils du Conquérant, pensant peut être que Guillaume de Braose n'était plus bien en cour. Le Duc tenait un important conseil à Bonneville. Guillaume de Braose et les moines de Saint Florent y présentèrent l'affaire et prouvèrent la malhonnêteté et la cupidité qui animaient les revendications de Lonlay. L'Abbé Ranulf et ses moines opérèrent une retraite précipitée, disparaissant sans en informer le Duc. Celui-ci, furieux, demanda que Lonlay donne une compensation à Saint Florent pour le temps perdu à la Cour en défendant une réclamation fallacieuse. (3-3)

Peu après l'église du prieuré de Guillaume de Braose fut dédiée à des martyrs du quatrième siècle, Saint Gervais et Saint Protais. Le Dimanche 11 Décembre 1093 une cérémonie de consécration fut célébrée par Serlon, Evêque de Sées, en présence d'autres membres du clergé, de barons et de témoins. Ce fut une scène impressionnante.

L'Evêque était sur le point de célébrer la Messe sur l'autel quand Guillaume de Braose obligea son fils Philippe, réticent, à confirmer les dons faits à Saint Florent devant l'assistance tout entière. Nous ne connaissons pas la raison de la mauvaise volonté de Philippe. William de Braose était assisté de son neveu, Guillaume de La Carneille. Ils prirent une dague des mains d'un moine nommé Armellus et la placèrent sur l'autel. Pendant que les dons de la famille à Saint Florent étaient énumérés à la demande de Guillaume de Braose, tous trois placèrent leurs mains sur la dague pour confirmer leur serment solennel. (3-4)


Ceci est la vue des jardins de la Mairie de Briouze: un traditionnel pressoir à pommes (gadage) et l'église paroissiale du XIXème siècle. L'église est construite sur ce qui devait être le site du donjon du château de Guillaume de Braose et le centre ville, avec le monument aux morts, occupe l'emplacement de la cour de justice du château. La société historique locale, les Amis du Houlme, a organisé des "circuits de Braose" en Angleterre et au Pays de Galles depuis 1999.

Ceci est l'autel de la petite chapelle Saint Gervais de Briouze. Le ch'ur et l'abside sont tout ce qui reste de l'église du prieuré. En 1866-67 la nef, la tour et les transepts furent démolis. La chapelle est maintenant classée comme un bel exemple de l'architecture romane du 11ème siècle. Les bâtiments du prieuré abritèrent les moines de Saint Florent jusqu'à la révolution française et furent finalement détruits lors des bombardements en 1945.

L'Abbaye de Lonlay fut fondée par Guillaume de Bellême au début du 11ème siècle. Ses moines bénédictins recevaient l'aide matérielle d'autres riches bienfaiteurs jusqu'à ce que, réduits au nombre de trois, ils quittent finalement Lonlay pendant la Révolution française. L'église de l'Abbaye a été endommagée par les bombardements de 1944 mais on peut encore voir beaucoup de traits architecturaux d'origine après une substantielle restauration au titre de monument historique.

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