La Chute

 

Le règne du Roi John fut une lutte incessante pour s'approprier l'héritage de Richard, qui avait épuisé le trésor pour financer ses exploits à l'étranger. John exigea chaque péage, impôt ou redevance que son esprit avisé pouvait lui permettre de réclamer, ceci à la colère de ses barons. Comme John combattait et harcelait son opposition, les charges de guerre s'ajoutaient encore au poids des impôts. L'église accordait une justification morale à tous ceux qui lui résistaient et, parmi eux, l'évêque Gilles de Braose était un opposant influent.

Le Roi commença à demander des otages à ses barons. Prendre des otages était une tactique royale courante, garantie permettant de contrôler n'importe quel dangereux dessein et d'encourager à la loyauté. La désobéissance ou une attaque armée faisait courir aux otages le risque d'être mutilés ou massacrés.

Maud de Saint-Valéry cracha des injures provocantes à la face des messagers royaux. Elle ne voulait pas remettre ses fils entre les mains de John, le meurtrier de son propre neveu Arthur! Ce défi cinglant fixa définitivement le destin des de Braose. Guillaume avait bénéficié de la faveur royale mais son épouse insoumise avait ouvertement accusé le roi de meurtre. Peu de gens mettraient en doute cette accusation. Son mari était bien placé pour le savoir. L'hostilité ouverte de Gilles n'en paraissait que d'autant plus dangereuse.

La bienveillance du roi se mua en froideur glaciale. D'abord John réclama la dette de 5000 marks de Guillaume, relative à Limerick. Celui-ci refusa de payer. Puis, lors d'une rencontre décisive à Hereford, John confisqua Brecon, Hay et Radnor, réclamant aussi trois des petits-fils de Guillaume en otages, afin de les garder jusqu'à ce que le paiement fût effectué. Ces enfants étaient Guillaume, le fils de Réginald, et d'autre part Philippe et Gilles, les fils de Guillaume, l'héritier des de Braose. Le baron accepta les conditions de John, puis déclencha immédiatement un soulèvement avec ses fils Réginald et Guillaume. Il ne put reprendre ses châteaux perdus mais brûla et pilla Leominster. John confisqua les biens de Guillaume et le mit hors la loi en 1208.


Maud se repentit et essaya en vain d'apaiser le courroux royal. Parmi ses offres de paix, elle envoya un troupeau de 400 vaches et un magnifique taureau à la reine. Toutes ces bêtes étaient d'une blancheur de lait, exception faite de leurs oreilles rouges. Terrifiés par la fureur croissante du roi, Maud et Guillaume s'enfuirent en Irlande avec les leurs. Ils cherchèrent refuge auprès de la puissante famille Marshal, puis près des frères de Lacy, seigneurs de Meath et d'Ulster. Walter de Lacy avait épousé leur fille Margaret en 1200.

Au Pays de Galles, Gwenwynwyn de Powys et Llywelyn de Gwynedd furent prompts à tirer avantage du vide laissé par la chute des puissants de Braose. Le roi vint brutalement à bout de leur rébellion en 1208. Il envahit l'Irlande en 1210 et expulsa les de Lacy, pour avoir donné asile à la famille des de Braose.

Guillaume tenta un retour désespéré en Pays de Galles et gagna Llywelyn à sa cause. Ils combattirent côte à côte jusqu'à ce que John revint anéantir cette alliance. Les derniers princes Gallois à se soumettre aux conditions de paix humiliantes de John furent Owain et Rhys de Deheubarth, petits-fils de Guillaume, de par le mariage de sa fille Mathilde avec Gruffydd ap Rhys.

Le bétail paissant aujourd'hui dans le parc de Dinefwr descend d'un troupeau ancien. Depuis le Xème siècle au moins, des troupeaux blancs étaient offerts en tribut au seigneur de Deheubarth par ceux qui recherchaient son pardon. Le choix inhabituel de cadeau offert par Maud à la reine, épouse de John, reflète vraisemblablement ses liens avec les princes de Deheubarth par le mariage de sa fille.


Le château de Dinefwr était le siège de la maison royale de Deheubarth. Cadw, société des Monuments Historiques du Pays de Galles, poursuit sa restauration. Le parc de Dinefwr, près de Llandeilo, est entretenu par la National Trust.

précédent accueil suivant